« Je voudrais raconter le vivant, et la vie d’un homme qui s’y est consacré, qui à quatre-vingt-cinq ans s’y consacre encore, sans aucune lassitude. Il est pleinement vivant, il s’occupe de comprendre et d’aller au secours du vivant, parce qu’il y a là toute la beauté de notre monde. J’aimerais montrer un peu de cette beauté, et partager l’enthousiasme qu’elle me procure. »

Cette vie, c’est celle de Francis Hallé, biologiste atypique et botaniste rêveur, qui a voué sa vie à l’étude de « ces êtres doux et puissants qui vivent autour de nous et avec nous : les arbres. » Au fil de la discussion entre le scientifique et l’écrivain, le parcours intellectuel du dendrologue se dessine, partant d’un laboratoire où, alors étudiant, un professeur lui ordonne de ne surtout pas admirer les fleurs qu’il dissèque afin de ne pas fausser l’objectivité de son jugement. Une bien sinistre injonction que Francis Hallé ignorera, comme l’illustre la suite de son parcours, alliant rigueur scientifique et émerveillement face à la beauté et la créativité inépuisables de la nature. Cherchant une manière de comprendre les arbres sans recourir aux outils forgés pour étudier les autres vivants, le jeune chercheur approfondit le concept d’architecture végétale, dont le cortège de notions savantes – méristème, coloniarité, timidité et autres réitérations – lui permet de percer à jour l’intimité des végétaux. Puis ses recherches l’emmènent sous les Tropiques, où il élabore son fameux Radeau des cimes, une embarcation flottante lui permettant de se poser littéralement sur la forêt, et d’accéder à l’univers riche et encore inexploré des canopées de la jungle guyanaise.

Outre les connaissances qu’elle nous lègue sur la vie des arbres et des forêts, produites dans un cadre scientifique strict, l’œuvre de Francis Hallé, composée d’autant de textes que de dessins, pose également la question des relations que les sciences entretiennent avec l’émerveillement. C’est d’ailleurs l’une des thématiques centrales des discussions entre Francis Hallé et Alexis Jenni, qui irriguent l’ensemble de cette merveilleuse biographie, et qui rappelle avec force que « les sciences, bien plus qu’un préalable à la technique, sont une aventure intellectuelle et humaine. » Une parole précieuse face à la sécheresse d’une vision purement utilitariste des sciences, qui réenchante le monde en nous invitant à le contempler avec attention, curiosité et enthousiasme.

• Un naturaliste sur le toit de la forêt, Alexis Jenni, Éditions Paulsen, Parution : 11 Avril 2024, 21.00€