Cherchez sur une carte, vous ne trouverez ni le village d’Ogliano ni le massif de l’Argentu mais dès les premières lignes du roman d’Elena Piacentini, vous êtes en immersion dans ce paysage d’un Sud imaginaire et pourtant décrit avec une sublime précision. Sous l’implacable chaleur de l’été, aux flancs des montagnes escarpées, les noms des personnages résonnent, s’affrontent ou s’allient : le jeune Libero Solimane, sa mère Argentina, Gianni son ami d’enfance ou encore le vieux César, le baron Delezio et son fils énigmatique Raffaele, Lenzani et le clan des Carboni. Tous ont des raisons de se taire, de protéger leur clan, de garder leurs privilèges ou au contraire de se battre pour les abolir. Ogliano renferme secrets et omerta depuis des générations, elle est le théâtre des arrangements mafieux des anciens, de vengeances et de règlements de comptes sanglants, elle laisse entendre le glas des enterrements ou la musique des riches fêtes données à la Villa Rose…

Mais les voix de ceux qui entrent dans l’âge adulte s’élèvent, leurs idéaux se confrontent aux injustices ancestrales, leurs quêtes de vérité fissurent les secrets si longtemps gardés. Au risque de leurs vies, ils tentent de redistribuer les cartes d’un révoltant déterminisme de naissance et de clan. Leur soif d’absolu et leurs espoirs sont de ceux qui peuvent parfois soulever les plus imposantes montagnes…

Avec Les silences d’Ogliano, Elena Piacentini signe un roman initiatique puissant. Venue du roman policier, elle réussit la prouesse d’allier l’écriture d’une intrigue incroyablement bien construite à celle d’un vrai roman d’aventure tout en offrant une description sociétale implacable. En filigrane, c’est aussi la tragédie de Sophocle qui soutient habilement les destinées des personnages avec les combats d’une Antigone plus que jamais d’actualité.

Un roman intensément humain, une écriture magistrale, un texte intemporel !

• Les silences d’Ogliano, Elena Piacentini, Éditions Actes Sud, Parution :  Janvier 2001, 19.50€