« Si vous vouliez bien demeurer immobiles un instant et laisser vos sensations agir au fond de vous-même, vous comprendriez combien toute chose désire être sauvage. »

Au soir d’une vie d’errance enthousiaste, de fortune fluctuante et d’excès en tous genres, Jake pensait pouvoir se retirer du monde, et passer le reste de ses jours dans sa cabane gagnée au poker, à siroter son whisky. Le vieil homme est le seul à pouvoir encaisser ce breuvage qu’il distille lui-même, et qui porte le doux nom de Vieux Râle d’Agonie ; un tord-boyaux dont la recette lui a été transmise par un vieil Indien qui lui a promis, dans son dernier souffle, qu’il le rendrait immortel. Mais la quiétude de la retraite de Jake va être bouleversée par l’arrivée de son petit-fils, Titou, à qui il va se faire un devoir d’enseigner la vie. Bien que très différents, les deux compères finissent par trouver un équilibre brinquebalant, et par s’installer dans une autarcie complice, ponctuée de gueules de bois et d’homériques parties d’échecs. Il faudra l’arrivée dans leur vie d’un mystérieux canard, aussi attachant qu’exubérant, pour briser cette routine et leur ouvrir les yeux sur ce qu’une vie peut offrir.

Difficile de résumer ce court roman, aussi déconcertant que désopilant, écrit par l’auteur américain Jim Dodge en 1983, aujourd’hui réédité dans une élégante version illustrée par Tom Haugomat. Peut-être suffirait-il tout simplement d’accepter de s’y plonger pour tenter d’en saisir la poésie bancale et la douce dinguerie. Ou alors peut-être faudrait-il, pour lui rendre justice, laisser la parole à Pépé Jake et à sa verve toute personnelle : « ce n’était pas une histoire trop dégueulasse, même si c’était un ramassis de sornettes. »

 

 

 

• Fup, l’oiseau Canadèche, Jim Dodge, Éditions Tishina, Parution : 28 Octobre 2021, 27.00€