Trois pêcheurs remontent un cormoran mort, qui s’est pris dans leur filet pendant la nuit. Ils font route vers le large, derrière le banc du Squale, pour pêcher des lieus. Ils nettoient le pont, manœuvrent dans le chenal, s’allument des cigarettes en regardant le trait blanc du sillage et le quai qui s’éloigne. Mais ils ne parlent pas de l’événement du matin. Ils ne le savent pas encore, mais tout le monde au port est au courant.
Dans ce texte aussi court que puissant, Bertrand Belin nous embarque à la suite de trois marins taciturnes dans un contexte politique qui, même s’il n’est évoqué, conditionne leurs actes et leurs pensées. Les gestes d’un quotidien rude deviennent un refuge face à la brutalité du monde qui les attend à terre. Une réflexion en filigrane sur le pouvoir, l’emprise et la liberté, dans un texte d’une poésie âpre, qui bégaie, se répète et tourne autour du pot pour mieux cerner l’intimité de ses personnages.
- Littoral, Bertrand Belin, Editions P.O.L., 2016, 9€