« Prenez les océans, […] si vous en observez leur surface, vous ignorez tout de leurs profondeurs et de leurs richesses. Ainsi va le cosmos, dont les étoiles ne sont qu’une infime part de ses secrets, car c’est dans son obscurité, dans ce qui nous est invisible, que se cache sa véritable nature… »
Depuis quelques jours, une nouvelle étoile est apparue dans le ciel. Son éclat est tel qu’on peut la distinguer en plein jour. Il s’agit en fait d’une supernova, l’explosion finale d’une étoile ayant consumé tout son hydrogène. Ce phénomène, aussi cataclysmique que fugace, est rarement observable depuis la Terre : à chaque millénaire, on les compte sur les doigts d’une main. C’est pourquoi, lorsqu’il l’aperçoit pour la première fois à travers l’oculaire de son télescope, Charles Korzybski prévient immédiatement l’Union Astronomique Internationale. Il faut bien qu’il y ait un premier, et cette fois-ci ce sera lui. Pour le féliciter de sa découverte, les astronomes baptisent la supernova d’après son découvreur, et après quelques jours, le nom de Korzybski est sur toutes les lèvres. Naturellement, l’intérêt des journalistes pour l’astronome amateur gagne en intensité proportionnellement à celle du point lumineux dans le ciel. Mais lorsqu’ils débarquent dans le petit village de Provence où vit Charles, ils ne trouvent pas le savant affable, fantasque et passionné qu’ils sont venus y chercher. Korzybski est un vieil homme solitaire qui vit en retrait du monde, un misanthrope qui recherche dans l’observation de l’immensité cosmique une consolation à la petitesse et à la vanité des Hommes. Faute d’interview, les journalistes commencent à affabuler, créant de Charles une image distordue, alors que l’ermite céleste s’obstine dans son mutisme. Lorsqu’il se décide à fuir sa maison assiégée, déjà méprisant de sa notoriété nouvelle, la reporter Chloé Legrand le prend en chasse. Elle oublie que les astres lointains ne sont pas les seuls, lorsqu’ils atteignent leurs limites, à pouvoir se révéler instables…
Vues depuis les distances considérables qui nous en séparent, les supernovæ semblent être des phénomènes paisibles, presque statiques, nuages de gaz et de poussières irisés de couleurs délicates. En réalité, c’est tout l’inverse: ces apocalypses stellaires libèrent de l’énergie à des échelles difficilement concevables. Il en va un peu de même de ce roman qui leur emprunte leur nom : sous des abords doux, derrière les jolies teintes pastels de la couverture des éditions Les Avrils, sous le glacis d’une écriture fine et espiègle, le texte recèle une tension et une noirceur qui vont crescendo. Un premier roman qui est une vraie belle découverte, et qui laisse présager du meilleur pour le catalogue de la jeune maison qu’il inaugure !
- Supernova, Dimitri Kantcheloff, Éditions Les Avrils, Parution : 03 Mars 2021, 18.00€