« Il va falloir qu’il trouve quelque chose. Quand Miko sera revenu de son choc […], il se mettra à réfléchir. Ça ne va lui prendre que deux à trois minutes. Ensuite il se mettra à poser des questions. Il aura des réponses, parce que Miko sait comment demander. Puis il se mettra à régler ses comptes. Il ne veut pas que Miko lui règle son compte. »
A peine émancipée de la double tutelle de la Tchécoslovaquie et de l’URSS, la Slovaquie est dans les années 1990 un état jeune et fragile, proie facile pour les réseaux criminels et mafieux qui sévissent des Balkans à Moscou. Les vieilles habitudes politiques n’ont pas encore disparu, et le pays vit sous la coupe de politiciens corrompus, maîtres du tout-puissant service de renseignements. C’est dans ce contexte que Moly, un jeune lieutenant idéaliste de la brigade criminelle de Košice, dans l’est du pays, décide de s’attaquer à Bandi, le chef du gang le plus puissant de la ville. Son coéquipier, Miki Miko, plus expérimenté, a beau lui conseiller d’enquêter avec prudence, Moly s’entête, s’accroche à ses principes et enchaîne les provocations. Au moment où les mafieux, à bout de patience, répliquent, Miko doit se tourner vers d’autres alliés et recourir à d’autres méthodes pour contourner leur impunité, quitte à s’écarter de la loi…
Journaliste slovaque engagé et reconnu pour sa connaissance du crime organisé, Arpád Soltész signe avec Colère un polar détonnant dans la Slovaquie des années 1990, décennie de transition vers l’économie de marché et de privatisations sauvages d’entreprises d’état qui ont fait la fortune de mafieux reconvertis en hommes d’affaires. Les archétypes du roman noir ne sont pas absents, mais incarnés par des personnages suffisamment crédibles pour que l’on s’y attache, l’inoubliable Miko en tête. Loin de se concentrer sur une seule affaire, l’intrigue se déploie sur une décennie, soulignant au passage les transformations du pays et de sa criminalité. Un roman sombre, violent, mais dense et précis dans sa reconstitution des rouages des réseaux criminels, travail d’exposition qui impose Arpád Soltész comme un Roberto Saviano de l’Europe de l’est.
- Colère, Arpád Soltész, Éditions Agullo, Parution : 14 Mars 2024, 22.50€
