Sur la côte du Médoc, la mer est glacée en ce mois de janvier 1627. C’est pourtant dans ces eaux que se débat Fernando Teixeira, parmi les débris de bois, les ballots de coton, les caisses de poivre et les cadavres de marins ballottés par les vagues puissantes. La tempête a été rude; trop pour la caraque lestée de sa cargaison sur laquelle avait embarqué le jeune soldat portugais à Goa, en Inde. Dérouté depuis des semaines, perdu dans la tempête, le navire a erré dans les courants traîtres et les vents furieux du golfe de Gascogne avant de s’échouer au large de cette côte sauvage de l’ouest de la France, bien loin de Lisbonne. Lorsqu’il parvient enfin à prendre pied sur le rivage, Fernando ignore tout de cette région et de ses habitants. Il comprend vite qu’il vaut mieux se cacher des pilleurs d’épaves locaux attirés par le naufrage de cet immense navire, plus prompts à achever et détrousser les rescapés qu’à les secourir. D’autant que sur la plage, d’autres hommes, portugais ceux-là, sont déjà à sa recherche. Alors qu’il reprend son souffle à l’abri d’une dune, il aperçoit une jeune femme qui le dévisage. Marie sera-t-elle sa planche de salut ?
Aucun d’entre eux n’en a encore conscience à ce moment, mais cette plage sera pour tous ces personnages le théâtre du dernier chapitre d’une histoire commencée longtemps auparavant, qui les aura emmenés par-delà les océans, des jungles du Brésil aux rivages de l’Inde, des fastes de Lisbonne à la moiteur du Mozambique, des gréements de la flotte du Portugal aux geôles de l’Inquisition, et fait affronter des tempêtes, des batailles et d’innombrables machinations. Autant de destins marqués du sceau de l’aventure, protagonistes d’une époque et sujets d’un empire qui leur promettaient « un lopin de terre pour naître; la Terre entière pour mourir ».
Bien connu des amateurs de romans policiers pour être l’animateur du blog « Encore du noir », Yan Lespoux signe avec Pour mourir, le monde un premier roman brillant, foisonnant et tumultueux. Historien de formation, l’auteur parvient à reconstituer minutieusement la trajectoire de trois personnages à travers l’empire portugais du XVIIème siècle, sans jamais perdre le rythme haletant caractéristique du roman d’aventure. Au fil de ces intrigues éminemment romanesques, ce roman choral navigue habilement entre roman d’aventure, roman de mer et roman noir, pour se conclure en une apothéose dantesque qui voit ces trois destins s’entremêler dans le fracas d’une tempête. Une vraie réussite qui teinte cette rentrée littéraire du parfum de l’histoire et de l’aventure.
Pour mourir, le monde, Yan Lespoux, Éditions Agullo, Parution : 24 Août 2023, 23.50€