ROUTE ONE, Michel Moutot, éditions du Seuil

Fraîchement arrivé en Californie, le jeune ingénieur Wilbur Tremblay se trouve face à un défi immense. Après un bref passage par le chantier du Hoover Dam, ce barrage colossal sur le fleuve Colorado qui permettra bientôt l’essor de la ville de Las Vegas, il a été chargé de réaliser le dernier tronçon de la Route One, la fameuse highway qui reliera le Canada au Mexique en longeant l’océan Pacifique. Au sud de San Francisco, la route doit passer par Big Sur, une région côtière sauvage et montagneuse, isolée dans les replis de ses paysages splendides. C’est là qu’Hyrum Rock, un rancher mormon rude et austère, descendant de pionniers, dont la famille est installée depuis plusieurs générations, vit selon des traditions polygames de moins en moins tolérées par l’État de Californie. Et ce grand propriétaire terrien, dont l’origine de la fortune demeure obscure, n’entend pas se laisser déloger de ses terres…

Avec ce quatrième roman, Michel Moutot ajoute une nouvelle pierre à son grand récit historique, aux accents prométhéens, de la construction de l’Amérique. Une construction à prendre ici dans un sens littéral, puisque le roman nous emmène au milieu des pelleteuses mécaniques et des bâtons de dynamite, sur le chantier de la mythique Route One. Comme dans les précédents romans de l’auteur, les très recommandables Ciel d’acier, Séquoias ou l’America, la trajectoire des personnages nous entraîne dans le ressac puissant de la grande Histoire, cette fois à une époque mouvementée – les années 1930 – où la foi dans l’homme et le progrès suffit à justifier les projets les plus pharaoniques et les méthodes les plus expéditives. Un roman qui explore cette période charnière de l’imaginaire national américain, entre Grande Dépression et New Deal, entre la fin du mythe du pionnier et le début de celui de la prospérité ; ou quand la Destinée Manifeste cède la place au capitalisme prédateur.