Sabratha, en Libye, tient lieu de carrefour dans les itinéraires des migrants de l’Afrique entière. Parmi eux, trois femmes:
Chochana, une jeune femme nigériane originaire de la communauté juive ibo, poussée au départ par le manque de perspectives d’avenir dans son pays, notamment après une sécheresse qui a mis sa région à genoux;
Sehmar, une Érythréenne chrétienne orthodoxe, voulant échapper à la dictature et à un service militaire à la durée indéfinie;
Dima, une grande bourgeoise syrienne et musulmane, ayant quitté les beaux quartiers d’Alep avec son mari et ses deux filles pour fuir Daesh, les bombes, la guerre qui ravage son pays.
Trois femmes issues de mondes distincts, qui ne se seraient jamais rencontrées ailleurs qu’à Sabratha, mais dont les trajectoires vont pourtant se croiser dans ce camp de rétention sordide, où les passeurs exploitent et font subir les pires sévices aux candidats au départ vers l’Europe. Trois femmes qui vont prendre tous les risques pour un rêve, une chimère; pour franchir, à bord d’une embarcation de fortune, le mur qu’est devenue la Méditerranée.
A travers ces trois portraits de femmes, l’écrivain haïtien Louis-Philippe Dalembert parvient à évoquer le sort de toutes les personnes jetées sur les routes d’Afrique et d’Orient dans l’espoir d’une vie meilleure. Loin des clichés, il montre clairement la diversité des candidats au départ, ainsi que celle des raisons qui les poussent à l’exil. Il n’occulte aucune des horreurs dont les voyageurs isolés, proies faciles pour des passeurs cruels et sans scrupules dans des Etats souvent défaillants ou complices, sont victimes dans leur fuite éperdue vers un nord chimérique. En racontant leur épopée, il rend leur humanité à ces personnes que l’on enferme trop souvent dans une catégorie vide de sens: celle des « migrants ». Un récit bouleversant, révoltant, nécessaire.
- Mur Méditerranée, Louis-Philippe Dalembert, Éditions Sabine Wespieser, Parution : Octobre 2019, 22.00€