» […] La longue déprise historique de nous-mêmes aura atteint son stade terminal – nous voyant réduits à l’état de coquilles vides. C’est-à-dire des êtres de chair et de sang, mais, en leur fond, frappés par la nécrose. C’est le premier des devoirs – à l’égard de nous-mêmes, de nos enfants et, au-delà, des générations futures – qui maintenant nous incombent. Car de la préservation – et, plus encore, de la célébration – de nos facultés dépend, en réalité, la possibilité de faire valoir le seul humanisme qui vaille. […] Celui qui entend honorer le vivant partout où il se trouve. Certes, dans la biosphère, mais autant celui qui, naturellement, anime chacun d’entre nous et qui conditionne des existences individuelles et collectives disposées – sans ne jamais chercher à léser quiconque, ou les éléments – à explorer l’étendue infinie, et souvent insoupçonnées, de leurs ressources. »
En se substituant à nous dans les domaines intellectuels et créatifs, l’intelligence artificielle ne se contente pas de nous remplacer; elle va progressivement nous déposséder de nous-même, nous priver de la part la plus précieuse de notre humanité, celle que nous ne pouvons cultiver qu’au prix d’un travail qui lui sera de plus en plus délégué. Cette thèse de l’anhumanisation de l’homme forme le cœur de cette essai philosophique aussi brillant qu’inquiétant, parfaitement documenté et argumenté. Le catastrophisme éclairé et salutaire d’un philosophe devenu lanceur d’alerte.
- Le Désert de nous-même, Eric Sadin, Éditions de l’Échappée, Parution : 03 Octobre 2025, 19.00€
