Les lecteurs de polars sont encore hantés par l’Eau rouge, l’excellent roman de l’écrivain croate Jurica Pavičić paru en 2O21 aux éditions Agullo, et qui avait valu à son auteur le Grand Prix de Littérature Policière la même année. Les cinq nouvelles qui composent Le Collectionneur de serpents n’ont rien à envier, en termes d’ambiance, aux plus longs textes de Pavičić, tant celui-ci y excelle à composer, par le biais d’histoires presque banales, quotidiennes, une radiographie de la société croate. Une société encore marquée par les stigmates de la guerre, qui se lisent partout, aussi bien dans les paysages que dans les villes, s’insinuant jusque dans les esprits et les relations humaines. Chez Pavičić, la guerre – et son traumatisme – n’oppose pas seulement des nations ou des pays: elle divise les villages, dresse le frère contre le frère, brise les familles et les amitiés que l’on pensait les plus solides. Ces cinq histoires profondément humaines, aussi réalistes que bouleversantes, confirment l’immense talent de l’écrivain croate à décrire, en quelques phrases, dans un style concis et direct, les cicatrices profondes de personnages complexes quoique souvent taciturnes, confrontés à un monde qui change brutalement et les force à choisir leur camp. Mention spéciale à la nouvelle « La Patrouille sur la route », saisissante de justesse et d’universalité.
- Le Collectionneur de serpents, Jurica Pavičić, Éditions Agullo, Parution : 25 Mai 2023, 12.90€