« Aujourd’hui je me noie. Il ne s’agit pas d’une allégorie, je me noie dans l’eau verte d’un lac artificiel situé dans les environs de Dijon. Le récit exact de ce qu’auront été les quinze derniers jours de ma vie n’apporterait aucun éclairage sur les circonstances de ma noyade. Je suis entré volontairement dans l’eau, je sais nager et je ne suis sous l’empire de rien du tout, d’aucun état de quoi que ce soit. Il s’agit d’une crampe ; aucun enchaînement fatidique derrière tout ça. »
Mis face à la mort par sa noyade fortuite, un topographe de l’INRAP passionné d’archéologie se remémore les événements, petits ou grands, fugaces ou signifiants, qui ont composé sa vie. Résigné à sa fin prochaine, il tente d’en dégager le sens, de maquiller le banal accident en tragédie. Mais à travers ce monologue désabusé, cynique et grinçant, qui glisse fatalement vers l’absurde, il ne parviendra qu’à saisir sa propre inanité.
Un roman rempli d’un humour noir, intelligent et acerbe, qui se développe par à-coups, au rythme des répétitions obsessives et des aveux convulsifs d’un homme qui se sait condamné. Bertrand Belin, que l’on connaît déjà en tant qu’auteur-compositeur, se révèle en romancier remarquable, à la plume drôle et lucide. Une lecture profonde et décalée qui navigue entre le trivial et le métaphysique.
- Requin, Bertrand Belin, Editions P.O.L., 2015, 14€