« Je m’appelle Sven. Certains me connaissent sous le nom de Stockholm Sven, d’autres sous celui de Sven le Borgne ou Sven le Baiseur de Phoques. Je suis arrivé au Spitzberg en 1916. J’avais trente-deux ans et pas grand-chose à mon actif. J’ai une idée de ce que les gens disent sur moi, du moins les rares personnes susceptibles d’en dire quoi que ce soit : que j’ai mené une vie de trappeur solitaire dans la grande baie et les chasses du Raudfjord, tout au bout du grand Nord ; que j’ai été la malheureuse victime d’un accident minier ; que je ne pouvais contenir mes extravagances et que je rejetais la société. Tout cela est vrai, dans un sens, pourtant ça en saurait être moins vrai. […] Une vie est quelque chose d’autrement plus étrange et banal que les récits ne veulent bien le montrer. Et la vérité, c’est que même si je suis connu […] comme un chasseur arctique solitaire et sans égal, je ne suis rien de tel et j’ai rarement été seul. »
De cette odyssée arctique en solitaire, inspirée par la vie d’un ermite ayant vécu au Spitzberg au début du XXème siècle, se dégagent deux tendances en apparence contraires. La plénitude apportée par la nature, ses cycles immuables, ses rigueurs impitoyables sous ces latitudes et ses paysages sublimes, se heurte à la fébrilité du personnage de Sven, éternel inquiet en proie à des tourments bien humains, et pourtant en quête d’une sagesse et d’une tranquillité d’esprit en partie impossible à atteindre. Un roman bien écrit et emprunt de philosophie, qui nous plonge dans les solitudes des glaces arctiques pour mieux, paradoxalement, souligner l’aspect précieux, salvateur, quasi miraculeux des relations humaines.
- L’Odyssée de Sven, Nathaniel Ian Miller, Éditions Buchet-Chastel, Parution : 25 Août 2022, 24.50€